Les lecteurs de Christian Fougerouse apprécient sa méthode, qui consiste à citer les extraits de documents notariaux et autres, des plus anciens (ici en 1729) aux plus récents (1935). Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une vaine énumération, car de brefs commentaires guident le lecteur. On remarque au passage que la pomme de terre est bien autre chose qu'un aliment, et c'est là que réside l'esprit de l'ouvrage, illustrateur et guide d'histoire de France, d'histoire économique et tout simplement d'histoire humaine au sens large. Les plus âgés parmi les lecteurs de l'Araire se souviennent du mot truffes (ou triffes), qui désignait jadis les pommes de terre dans le langage courant du Lyonnais. C'est sous ce nom que les pommes de terre figurent dans les actes notariés jusqu'au début du XIXe siècle. L'histoire de cette plante nous est contée depuis son arrivée au XVIe siècle du Pérou en Espagne, sa culture dans les Pays-Bas, en Allemagne, jusqu'à son apparition dans notre région à l'époque de la naissance de Parmentier, qui donna son envol à la culture de la pomme de terre en france à la fin du XVIIIe siècle. Loin de développer des points de vue hasardeux, Christian Fougerouse, en véritable historien, épluche et aligne tous les documents qu'il a pu consulter contenant le terme de truffe ou (plus tard) de pomme de terre et commente ses recherches à l'intention du lecteur. Ainsi, nous constatons l'évolution du rôle de la pomme de terre au cours des siècles dans le territoire de Saint-Martin-en-Haut et de ses environs. La pomme de terre illustre, telle une iconographie de cours d'histoire, ce qui fait la différence entre la féodalité et le monde actuel : d'un côté, réglementation (arbitraire à nos yeux, non discutable au regard de l'ancien temps) qui ne tient pas compte des intérêts économiques et alimentaires aussi bien de la noblesse que du peuple, et de l'autre, rôle multiple de cette culture, dans l'échange par contrat mutuel, dans les dots, les emprunts, les legs, les contrats de mariage, etc. Elle régule la vie économique, et la vie tout court (osons le dire : la survie) des petites gens qui la cultivent. Il n'est que de voir, au fil des écrits notariaux, les crises, les intempéries, les concurrences, les années de bonne productivité, le rôle qu'elle joue aussi dans les disettes du XXe siècle, au cours de deux guerres de l'Occupation. L'ouvrage fait été, dans sa dernière partie, du témoignages extrêmement intéressants de diverses personnes ayant connu les vicissitudes historiques, politiques et économiques de la pomme de terre dans leurs exploitations de saint-Martin, ou de leurs descendants, qui ont gardé mémoire et archives de tous les détails qui concernent la pomme de terre, jusqu'au déclin de sa culture (mais, semble-t-il, elle devrait avoir déjà amorcé un renouveau). Un livre de comptes tenu jour après jour et conservé par les héritiers à la ferme nous permet de suivre les aléas de cette culture sur plusieurs décennies du début du XXe siècle. C'est sans doute là le chapitre le plus émouvant et en même temps le plus détaillé techniquement de l'ensemble de l'ouvrage. On sent ici, puis-je le dire, la dynamique particulière de la vie sociale et associative des Monts du Lyonnais et de Saint-Martin-en-Haut.
Ce livre vient de rejoindre les rayons de la bibliothèque de l'Araire à Messimy et peut être consulté sur place ou emprunté par les adhérents de l'association.